

[Grégoire Favet]
Comme chaque dernier vendredi du mois, nous dressons le grand tableau de bord des marchés dans Smart Bourse avec deux experts invités à mes côtés. Kevin Le Nouail, directeur associé chez Avant-Garde Family Office. Bonsoir Kevin.
Bonsoir Grégoire. Merci d'être là et merci à Laurent Albi d'être parmi nous également comme chaque mois le responsable de Next Momentum et cofondateur également de KALEÏS 360. Bonsoir Laurent.
[Laurent Albie]
Bonsoir Grégoire
[Grégoire Favet]
Votre bilan de ce mois d'avril. Alors vous êtes venus chacun avec votre lot de graphiques.
Laurent, prenons peut-être le tableau, le scoreboard on va dire des grands indices actions pour ce mois d'avril avec une première leçon. Parmi les grands indices mondiaux ce sont les émergents qui terminent leader de ce mois d'avril.
[Laurent Albie]
Absolument, donc diversification, rotation géographique et peut-être, point d'interrogation, fin de l'exceptionalisme américain puisque tout gérant qui était surpondéré USA en 2023 et 2024 est très largement gagnant et peut-être que ce paradigme va changer en 2025 et peut-être même pour les prochaines années, on sait pas, mais en tout cas de voir les émergents en tête c'est rare, en tout cas sur ces dernières années et donc ça mérite de le souligner avec donc en bleu à gauche la grande tour du Brésil qui est donc...
C'est l'Inde, c'est le retour de l'Inde. Le retour de l'Inde absolument, le report sur l'Inde 4% donc en avril et 2,5 seulement depuis le début de l'année mais peut-être que c'est le début de quelque chose. En deuxième position le Brésil donc qui est à peine positif mais bon par rapport aux Etats-Unis c'est une performance et puis Shanghai, la Chine qui résiste bien, qui résiste beaucoup mieux en tout cas pour le moment contrairement à ce qu'on aurait pu penser avec ses droits de douane complètement délirants, bien le marché chinois y tient en tout cas pour le moment et ça c'est une information je trouve qui était intéressante parce que peut-être que ça présage de quelque chose d'intéressant.
[Grégoire Favet]
Cette résilience dans un moment où ces marchés-là sont censés souffrir c'est quand même le signe de quelque chose.
[Laurent Albie]
Oui parce que ça peut pas être pire, on va pas monter à 400% donc... Non, on est tout le temps en train de redescendre visiblement. Donc vu que Donald Trump est allé très vite et très très fort et que dans ce contexte il n'y a pas eu de panique finalement, je trouve que c'est assez intéressant à remarquer.
Je vois la barre rouge c'est celle du CAC ? Alors la barre rouge à droite, oui c'est le CAC, moins 7%.
[Grégoire Favet]
Alors il faut préciser tout ça étant devise locale, c'est ça ? Parce qu'on va parler du dollar, mais pour un investisseur en dollar la baisse est beaucoup moins importante sur les indices européens puisque sur le mois d'avril le dollar a dû baisser de 4-5% face à différentes devises. Tout à fait.
[Laurent Albie]
Donc le CAC 40 bon dernier, le Nasdaq 100 et le S&P qui sont tous les deux à moins 5, l'Allemagne qui tire à peu près son épingle du jeu, moins 4, mais voilà la question qui se pose c'est est-ce que avril c'est le début de quelque chose autrement dit une diversification, un rebalancing qui va doucement rentrer dans les portefeuilles en réallocation ou est-ce qu'on va retrouver peut-être, j'en sais rien, avec des résultats de GAFAM on a vu Netflix, super, on voit Google, super, donc si ça continue peut-être que finalement les gens vont se dire mais rien n'a changé, ce sont toujours des très très belles boîtes et on retombe dessus. Voilà donc beaucoup beaucoup de points d'interrogation en cette fin du mois d'avril.
[Grégoire Favet]
On essaie d'enlever certains quand même, c'est le but de ce rendez-vous mais si on reste sur le mois d'avril, une autre manière de regarder les choses avec vous Laurent, à travers différents actifs, alors on retrouve le S&P 500 mais on retrouve aussi d'autres, des ratios sectoriels ou même des paires de devises, pour vous c'est un mois de risk-off généralisé, mais toute classe d'actifs confondue, c'est pas juste les actions.
[Laurent Albie]
Exactement, donc le S&P baisse et ce qui est très intéressant c'est la corrélation positive avec des ratios comme vous l'avez dit, alors le premier c'est la consommation discrétionnaire contre les biens de consommation de base, évidemment quand les craintes reviennent et bien les staples surperforment, donc on a le ratio discrétionnaire sur staples qui baisse, la tech contre les utilities, c'est un peu le ratio emblématique, ça baisse, la biotech contre la santé, ça baisse, l'AUD australien contre le Yen, ça baisse et on voit vraiment à l'écran la corrélation très forte, on doit tourner autour de 0,7, 0,8 donc vraiment tout ce qui est considéré comme actif cyclique et risqué sont liquidés par rapport aux valeurs refuges et on termine avec le high yield américain face au t-note qui est lui aussi en baisse, j'ai pas mis le copper contre le gold mais c'est exactement la même chose, alors ce qu'il faut remarquer c'est qu'on a déjà deux ratios qui tentent de sortir la tête de l'eau, ça va être les biotech contre la santé, on voit qu'elles croisent leur moyenne mobile et puis le high yield contre le t-note qui est souvent à l'avance, qui lui aussi tente de faire sa petite remontada, donc un mois d'avril affreux et peut-être que mai va être plus clément en tout cas on est toujours dans une séquence de risques averses qui pour le moment en tout cas est toujours d'actualité même si on voit que depuis quelques jours ça s'améliore un peu.
[Grégoire Favet]
Bon, une manière de regarder les choses, Kevin, alors vous êtes venu avec le graphique montrant la prime de risque des actions comparées entre les actions américaines et les actions de la zone euro, alors on voit effectivement sur une échelle assez longue, donc on voit pas la date précise du Libération Day, alors c'était le 2 avril mais on a eu une grosse chute du marché le 8 avril et toute une partie de la journée du 9 avril également jusqu'à ce que Donald Trump suspende assez vite pour 90 jours les tarifs dits réciproques, mais on voit bien cette remontée de la prime de risque des actions américaines en l'occurrence et des actions européennes également.
[Kevin Le Nouail]
Absolument, absolument on est dans un moment globalement, c'est une autre manière de voir la valorisation, parce que je radote beaucoup ici avec toujours la même valorisation en PR Forward, c'est une autre manière de la voir que je trouvais effectivement très intéressante parce qu'on est dans un moment effectivement qui est, ça a parfaitement été dit, très crispant, très risk-off, mais de ce point de vue là on le comprend d'autant mieux à la lumière du prix que l'on payait les actifs risqués jusque là et ça c'est vraiment fondamental parce que ça faisait des mois effectivement que l'on disait globalement que le marché n'était pas abordable et d'autant plus aux Etats-Unis, on peut faire un vrai différentiel.
En Europe, on y reviendra, le point était bien meilleur mais déjà minoré par rapport à son historique, mais aux Etats-Unis on le voit, on était clairement sur un point bas historique. Et ce qui est extrêmement...
[Grégoire Favet]
Prime de risque négative.
[Kevin Le Nouail]
Négative absolument.
[Grégoire Favet]
Aucune prime offerte pour détenir des actions américaines.
[Kevin Le Nouail]
Il y a deux conjonctions à cela qui sont intéressantes, c'est le taux effectivement, quand on parle de prime de risque, on peut peut-être le rappeler, on a ce différentiel entre la cherté du marché pris en PER en inverse du PER et le taux à long terme et donc là on prend un 10 ans de référence, en tout cas c'est le graphique ici que j'ai dessiné.
Ce qui est très intéressant, c'est qu'au moment où ce graphique justement est sur le bottom, on a un taux réel notamment américain qui est déjà, qui est certes positif mais qui n'est absolument pas intéressant. Et donc en fait on a une conjonction de deux éléments qui sont particulièrement forts, inédits, on le voit à l'écran, ce sont des taux réels qui sont positifs certes mais qui ne sont pas du tout attrayants et derrière des PER qui est là, on le disait, pour reprendre le S&P 500 dont on parlait tout à l'heure, PER forward 26 fois avant la chute, on est passé à 21 fois avant Liberation Day, on a vu 18 fois effectivement au plus bas du bottom justement, enfin bottom, c'est l'autre question. C'est la question, c'est la question. Si on reste en relatif, pardon Grégoire, ce qui est aussi intéressant c'est que les conditions de marché, mais ça on se l'a déjà dit avec d'autres éléments, ne sont pas les mêmes pour Donald Trump que celles de 2016-2018.
C'est-à-dire qu'effectivement on sait très bien aujourd'hui que la véhémence de Donald Trump, elle s'appuie notamment sur des éléments passés, voire des éléments bien plus historiques, certains sont remontés jusqu'à Nixon, j'en douterais, mais surtout les conditions de marché dans lesquelles Trump veut jouer, si vous me permettez l'expression, ne sont absolument pas les mêmes. Et ça explique globalement, et c'est la discussion qu'on avait avec Laurent en introduction, on n'a pas aujourd'hui cette matérialisation du bottom parce que globalement on ne sait pas où on peut aller, les conditions de marché sont beaucoup moins limpides qu'elles ne pouvaient l'être il y a 10 ans.
[Laurent Albie]
Il a payé au plus haut quoi.
[Kevin Le Nouail]
Absolument.
[Grégoire Favet]
Il est rentré au plus haut et au plus cher du marché américain.
[Kevin Le Nouail]
C'est le seul élément Nixon que je vois de la même manière, c'est-à-dire je suis capable de mettre un grand coup de pied dans la fourmilière, mais je crois que le Wall Street Journal le ramène à Mitterrand ces dernières heures, je ne sais pas si vous avez vu, c'est le moment Mitterrand soi-disant de Donald Trump.
[Grégoire Favet]
Ah oui c'est vrai.
[Kevin Le Nouail]
Il faut sortir justement de cette aberration politique et on revient finalement à quelque chose qui est très modéré.
De plus raisonnable. On en reparlera le mois prochain.
[Grégoire Favet]
Oui oui, mais je pense qu'on va en reparler pendant 1360 jours.
[Kevin Le Nouail]
Tout à fait.
[Grégoire Favet]
C'est le nombre de jours qui restent avant la fin de la seconde mandature de Donald Trump. Vous appelez ça vous la grande déflagration sur des actions US.
[Laurent Albie]
Oui.
[Grégoire Favet]
C'est le graphique aussi que vous présentez.
[Laurent Albie]
Oui, alors la grande déflagration, c'est vraiment à partir du 2 avril, parce que les marchés baissent à partir du 19 février. Le point haut, c'est le 19. Voilà.
Mais le 2 avril, il se passe quelque chose où tout d'un coup, il y a un mouvement de, je dirais pas de panique, mais en tout cas, on passe. C'était relativement construit dans la baisse. Et à partir du 2, ça lâche.
Ça lâche, exactement. Et donc c'est la grande déflagration du mois d'avril sur les marchés actions américains. Alors, ce graphique, il est extrêmement intéressant et malheureusement, il est assez compliqué à expliquer, mais je vais essayer de le faire quand même.
En violet, vous avez le S&P equally weighted. Donc lui, il a baissé de 20% du point haut au point bas. Et là, il est à peu près à moins 10%.
Ce qui est intéressant, c'est la courbe noire, parce que cette courbe noire, ça va être la ligne des... C'est la courbe...
[Grégoire Favet]
— Je la vois pas bien, la courbe noire. Je vois du vert, du rouge et du violet.
[Laurent Albie]
— Oui, mais la courbe... Enfin... Non, elle est noire, Grégoire.
Vous avez du rouge, du vert et puis la noire.
[Grégoire Favet]
— D'accord. OK. La plus foncée, on va dire.
[Laurent Albie]
OK. — La plus foncée.
[Grégoire Favet]
La plus foncée. Alors cette ligne, qu'est-ce que c'est ?
[Laurent Albie]
Cette ligne, on va prendre toutes les actions du New York Stock Exchange, du Nasdaq et de l'American Stock Exchange. Donc les trois bourses américaines. — D'accord.
— Et toutes les semaines, on va compter les actions qui font des nouveaux plus hauts annuels. — Je comprends. — Et on va retrancher les actions qui font des plus bas annuels.
Et qu'est-ce qu'on voit ? On voit que cette courbe, elle est très corrélée, où S&P equally pondérée. Là où ça devient intéressant, c'est que cette courbe noire en bas, à droite, elle est en chute libre.
Et pour que le marché reparte... Quand je dis que le marché reparte, c'est un nouveau bull market. Il faut que cette courbe, déjà, elle se redresse.
Et le premier signal, c'est quand elle croise sa moyenne mobile à 10 semaines, qui est en vert. Et on est très très très très loin de cette configuration. Donc peut-être que je me plante complètement et que le bottom du 9 avril, c'est le vrai bottom.
[Grégoire Favet]
— Pour l'instant, on n'a pas refait le point bas du 9.
[Laurent Albie]
— Pour le moment, on n'a pas refait le point bas du 9. Et peut-être que c'est le vrai point bas.
Mais en tout cas, de ce point de vue-là, on n'a pas les infos pour pouvoir dire « Revenez, payez maintenant », parce que ça y est, on l'a fait et on a devant nous un nouveau bull market, primary bull market dans un bull market séculier. Mais on n'a pas encore ça. Donc c'est quoi le message de ce chart ?
C'est que je ne peux pas recommander aux investisseurs autre chose qu'être prudent à ce stade, parce que même si le bottom, il a été fait, j'ai pas encore les éléments pour pouvoir effectivement l'annoncer.
[Grégoire Favet]
— C'est pas encore un risk-reward confortable pour se projeter sur une vraie tendance, un vrai directionnel positif de moyen-long terme.
[Laurent Albie]
— On a l'impression qu'on est au début. Alors peut-être qu'on n'y est pas, encore une fois. Mais ce chart, il est intéressant, parce qu'il incite forcément à la mesure, parce que je commence à voir ici et là des annonces de bottom.
Après, pourquoi pas ? Moi, il y a quand même quelque chose. Je fais une toute petite digression.
Cette journée du 9 avril, elle est quand même exceptionnelle. Bon, un Nasdaq à 12 %, je sais pas quand est-ce que c'est arrivé. Ça a dû arriver deux ou trois fois.
Bon. Normalement, ce genre de séance, c'est des rampes de lancement qui sont capables d'envoyer les marchés sur place. — Ça n'a pas été suivi.
Ça n'a pas été suivi. — Et là, on a eu cette journée. Et puis derrière, c'était dur, c'était poussif.
Alors là, ça repart. Mais normalement, c'est quelque chose qui doit générer un véritable engouement. Et ça a été un peu une journée, une séance.
Alors peut-être que ça va arriver maintenant. Pourquoi pas ? Mais voilà, on est vraiment dans le gris.
On est vraiment dans le brouillard, quoi.
[Grégoire Favet]
— Bon. Et puis c'est vrai qu'avec ce rebond post-Liberation Day, même si c'est un rebond qui a été... qui a pas été très dynamique, comme vous dites, Laurent, par la suite, le S&P perd à peine 10 % par rapport à son sommet.
Je veux dire, pour l'instant, on est loin d'être... On a florté avec des draws down plus élevés. Mais là, on est revenus à grosso modo moins de 10 % de baisse pour le S&P 500 par rapport à son sommet de février.
— C'est exact. C'est absolument. — L'autre événement majeur, Kévin, je vous repasse la parole, de ce mois d'avril, et même depuis l'arrivée de Trump à la Maison-Blanche, c'est ce phénomène de dépréciation du dollar, qui s'est accéléré encore au mois d'avril avec ses revirements sur la politique tarifaire et l'idée qu'une perte de confiance s'est installée entre Donald Trump et les marchés, le dollar étant effectivement le réceptacle de cette perte de confiance.
[Kevin Le Nouail]
— Extrêmement représentatif. Et pour faire une digression sur ce qui vient d'être dit, ce que je trouvais extrêmement intéressant – on revient au dollar là-dessus –, c'est que le moment de Liberation Day, il a répondu à quelques questions macromicaux qu'on peut se poser sur les plateaux. Ce qu'il a mis en exergue surtout – et ça montre le dollar –, c'est l'aspect psychologique de la décision, en réalité.
La seule réponse qu'on a eue là où on a été libérés, c'est qu'on est maintenant convaincus que le Trump 2016-2020 n'a rien à voir avec celui d'aujourd'hui, et surtout que sa capacité de nuisance potentielle est bien plus importante. Et donc on a lâché les chevaux – entre guillemets – psychologiques.
[Grégoire Favet]
Et donc c'est la vraie différenciation. — On l'a vu sur la Fed aussi. Sur la Fed, il n'arrête pas de taper sur Powell pour finalement dire qu'il cherchera absolument pas le virer avant la fin de son mandat en mai 2026.
— En 24 heures. — Mais voilà. Un, le mal est fait.
[Kevin Le Nouail]
Et deux, la capacité de nuisance, elle reste là. — Exactement. Et ça fait partie du graphe.
En fait, le point sur la Fed, il est – de mon point de vue – quasiment plus dangereux que les droits de douane, qui nous donne un niveau de taux absolu... Enfin un niveau absolu qui peut répondre à des questions mais qui pourrait être revu à la baisse. S'il va au bout de la démarche, s'il allait au bout de la démarche sur Jay Powell, les dégâts seraient...
La déflagration pourrait être d'autant plus importante. Et c'est ce que le dollar montre, parce que lui ne se reprend pas du tout là où on peut effectivement considérer qu'à minima, sur les S&P 500, on a repris la moitié de la baisse. Bon, je viens maintenant au dollar.
[Grégoire Favet]
— Ouais, ouais. Non, non. Allez-y, allez-y. Mais c'est...
[Kevin Le Nouail]
— Ce qui est intéressant sur le dollar, effectivement, c'est qu'on aurait pu intituler ce graphique « Trump et le désamour du dollar ».
Je t'aime, moi non plus. A priori, effectivement, ce qui est important de considérer, c'est que déjà, le premier mandat de Donald Trump – vous connaissez notre appétence historique – avait conduit exactement dans les mêmes amplitudes et dans le même désamour de la part du dollar. Mais effectivement, la reconstruction qui s'est faite depuis ce moment-là, elle nous montre une chose assez importante, c'est que le niveau aujourd'hui sur lequel nous sommes laisse à la baisse encore beaucoup, et surtout qu'on rentre aujourd'hui dans une zone qui n'a plus rien à voir.
On est avec le forex – il faut toujours le rappeler – sur un actif qui est vivant de ce point de vue-là. Et il met ici en exergue alors effectivement des baisses qui sont très marquées pour les investisseurs européens. J'y reviens dès après.
Mais déjà, sur les niveaux, on sent bien que c'est la psychologie qui a pris le relais. Et attention effectivement à la perte de confiance à l'international, puisque le dollar aujourd'hui, de mon point de vue, est de moins en moins crédible, effectivement, pour les partenaires internationaux. Pour revenir sur les portefeuilles, et c'est sûrement là-dessus effectivement qu'on peut encore discuter, il est clair qu'aujourd'hui, pour un investisseur européen, la peine est d'autant plus lourde parce que ce qu'évoque Laurent tout à l'heure en termes de performance ne tient pas compte des effets de vise.
– On est quasiment à moins 17, moins 18 sur le S&P 500 en euros depuis le début de l'année. – Et on a passé allègrement les moins 25. Donc de ce point de vue-là, effectivement, il faut l'avoir en tête.
Ce que j'aime toujours à repréciser ici, pour revenir peut-être sur la partie gestion privée qui est la nôtre, c'est de se dire encore une fois que le Forex est un actif qui est vivant, certes, mais ce n'est pas le point de départ d'une allocation d'actifs ou, de notre point de vue, d'une décision d'investissement. Ce sur quoi on investit pour nos clients, ça reste des titres, des actifs, de la comptabilité, si je peux me permettre l'expression. Et donc dans ce cadre-là, sauf à considérer effectivement des actifs émergents ou hors de vise dure, je le précise bien, effectivement, là aujourd'hui, on a un vrai travail pédagogique auprès de nos clients, qui est de leur dire, le point d'entrée sur les actifs dollars était parfois du 1,04 l'année dernière ou du 1,12 il y a encore quelques mois, là il y a une peine qui est très forte, n'oublions pas, le déport aujourd'hui signifie une performance l'année dernière.
[Grégoire Favet]
Mais ça vaut le coup de se couvrir aujourd'hui quand on investit sur les actions américaines ou pas, Kevin ? Non, je ne le compte pas. Ce n'est pas une pratique très courante de se couvrir contre le dollar, puisque ça reste l'actif refuge de référence, donc on était content d'être exposé au dollar dans son portefeuille d'actions américaines en cas de secousse, quoi.
[Kevin Le Nouail]
En gestion privée, ce n'est pas la norme, effectivement, de se couvrir, mais on peut le faire et on en veut de plus en plus. C'est possible, bien sûr. Maintenant, est-ce que ça vaut le coup ?
De mon point de vue, non. Pourquoi ? Parce qu'effectivement, déjà le coût aujourd'hui de la couverture n'est absolument pas prohibitif, mais reste quelque chose que les clients n'ont pas envie d'aborder et que je ne leur conseillerais pas, puisque, encore une fois, dans une approche à 3-4 ans, sauf à considérer que la dévaluation du dollar est systémique, ce qui est encore autre chose et c'est...
[Grégoire Favet]
Là, on parle d'une dépréciation un peu accélérée, quoi.
[Kevin Le Nouail]
Exactement, cette dépréciation, si elle reste... Est-ce que c'est un statut qui a changé ? Réponse, évidemment, devant nous.
Exactement. Et donc, dans un cadre classique, la couverture, elle n'est pas tenable à long terme. C'est ce qu'il faut se dire.
Le coût de la couverture n'est pas tenable. Vous ne pouvez pas porter cette couverture sur autant de temps. C'est une mauvaise idée.
La question que nous posent aujourd'hui nos clients, elle est inverse. Alors, elle est facile sur les 1,15. Effectivement, c'est au contraire.
Est-ce que c'est un point d'entrée pour remettre du dollar ? Là, on irait sur des considérations, vous les connaissez, parité de pouvoir de change et différentiel de taux. En absolu, encore une fois, on peut considérer, certes, que la zone d'appui, elle est autour des 1,17, 1,20 sur l'euro-dollar.
[Grégoire Favet]
Le différentiel entre le taux de 10 ans américain et le 10 ans allemand, il a explosé à quasiment 200 points de base.
[Kevin Le Nouail]
Donc, ça va d'autant plus à contresens, encore une fois, d'une couverture. Ce serait uniquement tactique et, à mon avis, trop coûteuse.
[Grégoire Favet]
Derrière la baisse du dollar, et pour remettre, là aussi, les choses en perspective, comme vous le faites, Kevin, il y a quand même aussi l'idée que, avant même l'Iberation Day et avant même le retour de Trump aux affaires, le monde, je ne vais pas dire se dé-dollarisait, mais se diversifiait du dollar. Et ce, depuis des années déjà, maintenant. La part d'utilisation du dollar dans les échanges commerciaux a quand même baissé, la part de détention du dollar dans les réserves de change étrangères a déjà baissé, et ce, depuis des années.
C'est bien la tendance qu'on voit avec ce graphique.
[Kevin Le Nouail]
Exactement. Ce que montre le graphique, ici, effectivement, c'est qu'il y avait déjà un mouvement. Alors, on parle parfois de dé-dollarisation, ça me paraît, effectivement, un peu fort sur les niveaux.
De diversification, c'est bien.
[Grégoire Favet]
Effectivement.
[Kevin Le Nouail]
Est-ce que c'est totalement aberrant ? Absolument pas, parce qu'encore une fois, à côté de la dé-dollarisation, le terme qui revient beaucoup chez nous, c'est celui de régionalisation. Vous savez, cet abandon d'une société, d'une économie mondialisée à tout va, mais mondialisée voulait dire, en fait, américanisée.
Donc oui, effectivement, la régionalisation, elle a sens, et elle peut s'accentuer, effectivement, de ce point de vue-là. Ça se voit dans ce graphique que je trouve intéressant, qui nous permet aussi d'aborder un autre actif, qui est l'or, effectivement, et de rappeler une première chose, c'est que déjà sur l'or, mais aussi sur le forex, on va évidemment toujours parler des épargnants privés chinois qui achètent de l'or. Mais en réalité, les points, j'allais dire, les plus forts aujourd'hui sur ces actifs-là, ça reste les banques centrales.
Nous ne l'oublions absolument pas, c'était l'un des effets, on en avait parlé à ce moment-là, qui fait que nous n'avions pas acheté d'or lors de la guerre ukrainienne, parce qu'il fallait que la Russie cède ses stocks. Eh bien, là, on a le même mouvement, donc c'est assez intéressant, effectivement. On a une diversification, effectivement, des réserves, et en plus de ça, on a un mouvement sur l'or qui s'accroît.
Il montre ce que l'on disait, non seulement les échanges, effectivement, sont beaucoup plus diversifiés aujourd'hui, surtout, vous avez des devises qui sont capables de prendre le relais, et ça, ce n'est pas absolument ça. Une partie ! Une partie !
Mais le mouvement Trump est intéressant, parce que potentiellement, il va recrédibiliser les autres devises. Alors, de là à ce que l'euro soit crédible, je le dis, j'en suis le premier. Non, mais il y a un chemin à faire de ce côté-là.
Mais sur les devises asiatiques, et notamment sur le yuan, la question va se poser très rapidement, parce qu'effectivement, vu la force qui doit être...
[Grégoire Favet]
Il y a une très profonde marchée sur le dollar, qu'évidemment, c'est compliqué de dire qu'une devise peut récupérer à elle seule le statut de réserve ou de monnaie de réserve mondiale. Exactement, tant que la crédibilité américaine n'est pas entamée. Ceci-là est encore autre chose.
Techniquement, alors, vous êtes venu avec votre graphique du dollar aussi, Laurent. Oui, c'est le même que celui de Kévin. Sans concertation aucune, mais on parle de ce qui a fait le marché en avril.
Qu'est-ce que ça nous dit ? Donc, c'est bien l'indice dollar face à une poignée de grandes devises de référence.
[Laurent Albie]
Une poignée de six devises. Alors, bon, Kévin a parfaitement expliqué le contexte sur le dollar américain. Moi, ce que je peux simplement apporter, c'est donc la lecture technique, une devise qui est survendue, qui a commencé à baisser au début de l'année.
Oui, oui, bien sûr. Mais il y a eu encore une fois cette accélération en avril. Tactiquement, moi, je pense qu'on va assister à une petite respiration quand même, parce qu'on est quand même sur un énorme niveau.
Donc, je ne le vois pas continuer de s'écrouler à cette vitesse tout de suite. La question qui se pose derrière, c'est est-ce que c'est l'atterrissage sur cette zone ou est-ce que ça peut aller plus bas ? Et malheureusement, mon cher Édouard, je n'ai pas la réponse.
Parce qu'on est quelque part pris en otage par les propos de Trump. C'est vraiment un seul homme, maintenant, qui est capable de tout faire bouger. Donc, on est sur un énorme niveau.
Voilà, et on va voir ce qui va se passer. En tout cas, tactiquement, je pense que l'euro devrait baisser un petit peu. Et je ne m'attends pas, sur mai, à avoir ce momentum haussier sur l'euro-dollar, tel qu'on l'a vécu depuis trois semaines.
[Grégoire Favet]
La baisse va continuer de baisser ses taux, normalement. Les reprises économiques en Europe ne s'annoncent pas non plus flambardes pour les 6-9 mois qui viennent. On verra ensuite le régime de croissance qu'on peut avoir en 2026.
[Laurent Albie]
Oui, mais là, encore une fois, ce qui se passe en ce moment, c'est vraiment la défiance vis-à-vis des Etats-Unis. Je l'entends. C'est de la prime de risque.
Oui, c'est un nouvel univers. Et donc, vous avez tout à fait raison de dire ça, mais il suffit qu'il y ait encore des annonces qui soient maladroites et ça peut continuer de reconsidérer le dollar, même si, encore une fois, je ne pense pas qu'on soit à la veille d'un tremblement de terre. C'est encore conjonctuel.
Peut-être que je me trompe. Peut-être que quelque chose de beaucoup plus profond est en train de se passer.
[Grégoire Favet]
De premier mandat de Trump, on a eu cette anticipation qui porte le dollar jusqu'au moment de son élection et puis après, un gros retracement du dollar pendant une paire d'années au moins. Je ne sais pas d'ailleurs si vous avez vu ce graphique. Comme le marché traite sur des tweets ou des postes de réseaux sociaux ou des déclarations allant porte-pièce ou entre deux portes, au pied d'un hélicoptère, etc.
C'est comme ça que le marché fonctionne aujourd'hui. Donc, ils ont regardé. Plus Scott Bessin parle, plus le marché a de chances d'être dans le vert sur la journée, plus les propos rapportés sont ceux de Howard Lutnick, le secrétaire au commerce, surtout Peter Navarro, le conseiller personnel de Donald Trump au commerce, plus les journées sont rouges.
C'est intéressant. Heureusement qu'il y a eu de la spécialisation. On voit qui est market-friendly et qui ne l'est pas dans l'administration Trump et dans son entourage.
Si on dit un mot des entreprises dans le contexte, Kevin, vous avez un graphique qui nous montre sur longue période la décomposition de la croissance des bénéfices par action. Là, on est sur l'univers des actions européennes. Mais avant cela, qu'est-ce que vous retenez des premières indications, des premières entreprises un peu baromètres qui ont pu publier leurs chiffres d'activité et ou leurs résultats ce premier trimestre ?
[Kevin Le Nouail]
Je dirais trois éléments si on devait les citer. Le premier, effectivement, c'est que pour l'instant, les publications se passent plutôt bien. Ça a été dit tout à l'heure par Pauline et je crois également par Laurent.
Dans ce cadre-là, on a globalement déjà des niveaux qui sont contraints sur les volumes mais qui ne sont pas dus à l'élément de commerce. Et ça, c'est la transition vers le deuxième élément, c'est qu'il ne faudrait pas surinterpréter les choses. Ce sont les deux premiers points.
L'autre point qui me paraît très intéressant, c'est que par contre dans les discours de management, là, on a une imbrication qui est très forte effectivement et une prudence qui est d'autant plus marquée. On évoquait ensemble deux sujets, on peut prendre deux sujets qui n'ont rien à voir, on va le dire ainsi. Si on regarde aujourd'hui Pepsi aux Etats-Unis, la publication a été médiocre.
On va s'arrêter sur ce terme-là. Les volumes sont plutôt bons, en tout cas ils sont repris, mais le niveau de marge, et on va venir ensuite au graphique, ne permet pas effectivement une marge de manœuvre qui est extrêmement importante. Le marché réagit plutôt là aussi médiocrement.
Par contre, ce qui est très important, c'est que là où on voit que les choses vont empirer, c'est que le management le dit très clairement, par contre la fête sur 2025, elle est très clairement terminée. Et eux, la dévaluation du dollar, elle ne suffit absolument pas à rattraper les volumes dans leur globalité. Donc c'est ce que l'on ressent aujourd'hui du côté micro.
L'autre élément qui va être très intéressant, qui est très exportateur mais qui n'a rien à voir, c'est ASML, qui est dans nos portefeuilles et qu'on apprécie beaucoup là aussi fondamentalement, même si on pourrait parler en termes de performance. Là aussi, ASML résume très bien les choses, pas touchées par les droits de douane dans un premier temps, mais très représentatives du lien que va avoir ce type d'entreprise sur l'économie mondiale et du risque potentiel. La première chose, effectivement, je vais commencer par la fin, le risque potentiel.
Pas de droits de douane à l'heure actuelle, d'aller dire en premier abord sur ASML, mais on sait très bien que l'administration américaine, aujourd'hui, a la visée très forte sur la protection, les droits de détention intellectuelle, pardon, et notamment sur la lithographie, donc on sait très bien qu'ASML a tout intérêt à ne pas faire beaucoup de vagues. Donc déjà, on sent très bien que ce type d'acteurs-là va être très ciblé, mais surtout, eux-mêmes, avouent dans leur communication que les perspectives ne sont pas extrêmement bonnes. Pourquoi ?
Parce que, eux, s'ils ne sont pas touchés, c'est tout l'environnement, certes décemis, mais c'est tout l'environnement industriel, une nouvelle fois qu'il est touché. Donc quand bien même vous passez entre les mailles du filet des droits de douane, ce que l'on voit sur le marché aujourd'hui, c'est une tension assez forte aujourd'hui dans les communications. Et ce que je retiens, la conclusion de tout ça, si vous me permettez, avant de venir au graphique, c'est celui de se dire qu'aujourd'hui, le marché est très gentil, me semble-t-il, et assez sympathique vis-à-vis des croissances et vis-à-vis des perspectives attendues, parce qu'on n'a pas de retracements qui sont extrêmement forts sur les perspectives.
C'est potentiellement une deuxième patte, justement, de baisse ou de déception qui peut arriver.
[Grégoire Favet]
Très compliqué de mesurer, effectivement, les effets de cascade, les effets de réverbération qui sont liés à ces tarifs. Google, on se dit, Google, c'est du service, il passe complètement à travers les tarifs qui sont mis sur les biens. Oui, mais comme Shihin et Temu sont visés, Shihin et Temu coupent leurs dépenses publicitaires sur Google.
Il y a plein d'effets de réverbération comme ça qui peuvent se retrouver dans des entreprises dont à première vue, on se dit, elle est plutôt en dehors du cercle premier des tarifs.
[Kevin Le Nouail]
C'est ça, et ASML est représentatif, parce que valeur internationale, par définition, chiffre d'affaires extrêmement diversifié, mais encore une fois, les effets de bord sont bien plus importants.
[Grégoire Favet]
Qu'est-ce qu'il faut comprendre de ce graphique long terme sur la manière dont se forment les bénéfices par action des entreprises en Europe ?
[Kevin Le Nouail]
Ce qui est important ici, c'est la décomposition. Je le précise bien, en croissance, on n'est pas sur des niveaux absolus. Donc là, c'est comment se forme la croissance des bénéfices par action.
Deux éléments majeurs, c'est soit la croissance des ventes, on pourrait parler de volume, on va beaucoup plus vite, ou la croissance des marges. Ce que l'on a aujourd'hui sous les yeux, mais on pourrait le reprendre en réalité sur différents marchés, c'est celui du MSCI Europe. Le MSCI Europe, ici, ne dispose pas d'un stock de croissance des volumes passés suffisant pour encaisser aujourd'hui le choc des droits de douane.
C'est ce qui est très important. Ça va poser un problème aujourd'hui, c'est ce qui explique qu'à mon avis, le marché est très gentil vis-à-vis des valorisations, une nouvelle fois, parce que, encore une fois, les marges sont assez élevées en Europe. On en avait déjà parlé par le passé.
On est globalement à 13 points de marge opérationnelle en moyenne sur les marchés européens, et le choc est attendu à 3 points en moins. Donc on a de la marge de manœuvre. Par contre, en termes de volume, le report n'est pas possible aujourd'hui de ce point de vue-là, parce qu'on en reparle, les économies sont trop imbriquées, et donc il faudra se poser la question, justement, d'où peuvent aller les surplus, encore une fois.
Quand je parle de surplus, je parlais de la Chine. Oui, bien sûr. Donc c'est ce que montrent ici les choses.
Encore une fois, le stock n'est pas suffisant, de mon point de vue, pour encaisser un choc similaire.
[Grégoire Favet]
Fragilité dans les perspectives bénéficiaires des entreprises, quand même. On verra. Les révisions, comme vous le dites, sont assez gentilles pour l'instant.
Le marché est peut-être beaucoup plus cher que ce qu'on imagine à date. On suivra ça. On va laisser la saison de publication se dérouler.
Les analystes feront leur travail et verront, effectivement, où est-ce que les perspectives de croissance bénéficiaire atterrissent. Nous allons entrer dans le mois de mai. Nous marquons les 100 jours de Donald Trump et nous entrons dans le mois de mai.
C'est bien, il y a un très bel effet de saisonnalité, Laurent, à double titre. Est-ce que passer le cap des 100 jours, c'est déjà passer le cap d'une forme d'incertitude ? Je ne sais pas.
Et l'entrée dans le mois de mai, est-ce que c'est une nouvelle forme d'incertitude qui arrive pour les investisseurs ? Vous avez choisi ce titre. On fait une pause, point d'interrogation.
[Laurent Albie]
Oui, parce que j'ai l'impression que c'est ce que les directeurs d'usines, les traders dans les salles de marché, les gestionnaires, les économistes demandent à Donald Trump.
[Grégoire Favet]
Tout le monde aimerait bien qu'on appuie sur le bouton pause quelque temps.
[Laurent Albie]
Sinon, on va tous faire un burn-out rapide.
[Grégoire Favet]
C'est peut-être ce qui est en train de se passer ces derniers jours. Voilà, exactement. Comme le disait Jamie Dalman, maintenant, on a besoin de voir des deals.
C'est ce que Jamie Dalman, patron de JP Morgan, en disait le 8 avril à la télévision, avant que Donald Trump mette en place ses tarifs et les suspende 14 heures après. Là, maintenant, il faut rentrer dans la phase où on a besoin de voir des deals. Donc, c'est ce que, d'une manière ou d'une autre, va générer ou produire l'administration américaine, que ce soit des deals faciles avec la Corée du Sud avec qui il n'y a pas de barrière tarifaire, ou des deals plus compliqués et sans doute beaucoup plus longs et complexes à mettre en oeuvre, comme avec la Chine par exemple.
[Laurent Albie]
Il faudrait déjà qu'il nomme un interlocuteur qui soit son porte-parole et que les Chinois puissent communiquer avec quelqu'un, parce que pour le moment ce n'est même pas le cas. Alors donc avril a été affreux, je pense que mai on devrait assister, je pense, à une petite accalmie. Alors ce n'est pas juste un sentiment personnel, c'est parce qu'on a ici à l'écran un graphique du S&P en toile de fond et d'un indicateur de participation très intéressant qui s'appelle le Summation Index et qui est en fait toujours basé sur cette idée d'action du S&P qui avance moins celle qui recule, sauf qu'on va faire une moyenne mobile d'une moyenne mobile.
Donc on va beaucoup lisser cette évolution, cette dynamique pour enlever le bruit et donc on a un signal, tout petit signal qui apparaît seulement maintenant d'une reprise. Alors pourquoi c'est intéressant ? Parce que si c'était juste avancer moins déclin, il y a du bruit, ça peut repartir à la baisse.
Mais quand on a ce Summation Index qui se met en place à la hausse, en général ça marche plutôt bien. Donc qu'est-ce que ça veut dire ? Ça veut dire qu'on est toujours dans un marché baissier, ça veut dire qu'on ne sait toujours pas où est le bottom mais qu'a priori on devrait assister à une accalmie dans la baisse et avoir un mouvement haussier qui sera soit un mouvement de contre-tendance qui va s'arrêter plus haut plus tard.
Un rebond de bear market. Et puis ça repart à la baisse. Soit effectivement on le tient notre bottom, sauf qu'encore une fois on peut le savoir qu'à posteriori, ça c'est comme une capitulation, on sait que c'est un sell-off quand le sell-off il a eu lieu.
Donc là pour le moment on n'a pas beaucoup d'indications sauf que tactiquement, puisque c'est le grand tableau de bord et qu'on est à la fin du mois d'avril, sur mai ce que j'anticipe c'est une baisse de la vol qui a déjà commencé. Ça devrait continuer. On devrait à priori avoir au moins une stabilisation.
Pas forcément un rebond exceptionnel mais au moins une stabilisation. Et après il faut lui donner le temps à Donald de mettre en place son arsenal pour discuter avec les chinois, avec tout le monde. Et peut-être qu'au mois de juin, si on est de nouveau déçu, ça repartira à la baisse.
Ou au contraire il y aura vraiment des bonnes surprises parce qu'il y aura un espèce de wake-up call où la fête est finie.
[Grégoire Favet]
Oui, un pivot total de Trump et de son administration. Oui, parce qu'il va y avoir encore une fois des forces. On a vu qu'il pouvait pivoter vite.
Le mois d'avril a montré effectivement que Trump pouvait pivoter très très vite.
[Laurent Albie]
Et puis je pense qu'il y a quand même deux choses complètement différentes, c'est les mids-termes. Bon, je pense quand même que ça doit quand même traîner quelque part dans son esprit et puis le temps passe. Et puis il y a quand même ces droits de douane délirants sur les produits chinois.
Concrètement ça va poser des problèmes de logistique sur l'été, sur l'hiver.
[Grégoire Favet]
Le patron de Walmart lui a expliqué que pour avoir des jouets au pied du sapin à Noël dans les foyers américains, c'est maintenant que ça se joue. C'est six semaines pour faire le trajet entre Shanghai et Los Angeles. Ma question étant, est-ce qu'on peut imaginer un vrai redémarrage de long terme, comme vous dites, la reprise d'une tendance haussière de long terme sans être passé par une phase de capitulation ?
Vous disiez vous-même tout à l'heure, j'ai pas le signal d'une capitulation, et on en discutait avant l'émission. Vous me disiez, alors qu'en mars 2020, Covid, je l'avais. On compare beaucoup Trump au Covid.
[Laurent Albie]
Oui, mais c'est pas exactement la même chose, parce que quand le Covid était terminé, il était terminé. C'est pas la même incertitude. Pour répondre à votre question, ce qu'on voit sur ce graphique en tout cas, vous savez il y a ce dicton de Wall Street, « The market is climbing its wall of worry », c'est-à-dire le marché escalade son mur d'incertitude.
Ça veut dire qu'en fait, ce qu'on pourrait dire, c'est qu'en cette fin avril, les pires nouvelles sont pricées.
[Grégoire Favet]
On a eu le pire des droits de douane le 8 avril, avec le maximum de ce qu'on pouvait appliquer au reste du monde, spendu 14 heures après.
[Laurent Albie]
Donc le marché pense, à tort ou à raison, que le pire est peut-être derrière nous. Donc s'il escalade son mur d'inquiétude, ça veut dire quoi ? Qu'il a des espoirs, des espérances, sur quoi ?
1. La Fed, joint. Maintenant on sait que le marché se plante souvent.
Mais peut-être que c'est en train d'être repricé, comme quoi Jerome Powell, avec des risques de récession, je ne sais pas, va finalement baisser de 25 BP. 2. Peut-être qu'il y a des espoirs sur les résultats.
On a vu Netflix, on a vu Google, peut-être qu'Apple, Microsoft, Amazon, tout cela... Encore une fois, 1er trimestre, avant tarif. Mais bon, on voit quand même que le marché réagit positivement à Google.
Il ne dit pas 1er trimestre, avant tarif, ça n'a pas d'importance.
[Grégoire Favet]
C'est des titres qui ont baissé, qui ont anticipé aussi beaucoup de choses.
[Laurent Albie]
Exactement. Il y a les tarifs, et puis il y a les tarifs, donc cette espérance qu'effectivement il va y avoir une espèce de retour à la raison, et que cette séquence qui a de moins en moins de sens, et pour les Etats-Unis, et pour les Chinois, mais surtout pour les consommateurs américains, moi je pense, finalement ça va forcer Donald Trump à mettre un petit peu d'eau dans son vin. Et donc, pour conclure, beaucoup trop tôt pour savoir si c'est effectivement une hausse durable ou un simple rebond, mais étant plutôt parano et pessimiste par nature, C'est bien de dire d'où vous parlez Laurent !
Moi je pense qu'il vaut mieux tabler sur un rebond, d'accalmer quoi ! Voilà, de bear market rally, parce qu'on n'a pas encore les... On n'a pas de news pour savoir si vraiment ça va durer.
[Grégoire Favet]
Il reste assez peu de temps, il y a encore beaucoup de graphiques, je ne suis pas sûr qu'on puisse tous les passer, mais je voulais qu'on dise un mot du marché du crédit avec vous, Kevin, les obligations d'entreprise. Là aussi, souvent un indicateur avancé des tensions, du cycle économique également, et de ce vers quoi on se dirige que nous disent ces marchés là.
[Kevin Le Nouail]
Ils nous disent plusieurs choses, ils nous disent des tensions certes, on le voit, le marché était déprimé en termes de spread, déprimé en ce sens qu'il n'y avait pas d'opportunité d'achat, on se l'était largement dit. C'est ça ! Des spreads quasi serrés au niveau historiquement bas.
Quand on regarde, vous avez ici les deux spreads, spread dollar, spread euro, je le précise bien, all corporate, donc on n'a pas de différenciation à yield, d'investment grade, mais ce qui est effectivement intéressant, c'est qu'il y a encore quelques temps, on se disait il n'y a rien à faire, je vais le dire ainsi, ou ne faites plus rien, parce qu'en fait les portefeuilles étaient déjà gorgés d'obligataires. Ce que dit le graphique ici, effectivement c'est qu'on a un premier point de tension qui n'est pas inintéressant, on a recommencé parfois certains achats, effectivement.
Donc oui, le marché obligataire montre une certaine crispation face à ce qui se passe. Ça c'est le premier élément, mais c'est uniquement le spread ici de taux par rapport à la référence. Il y a un deuxième élément qui est intéressant, qui n'est pas montré en fait ici par ce graphique, pour aller vite parce que je vois que le temps est compté, c'est le spread d'achat, le spread bid ask.
On est sur des marchés gré à gré, ce que l'on a vu, on l'a constaté dans nos portefeuilles, même en investment grade, ce qui est assez rare pour le coup, c'est des écartements de bid ask qui étaient malgré tout, pas du tout du Covid. Vous avez un prix d'achat et face à un prix de vente qui normalement évolue dans une zone qui est compris entre 10 et 30 points de base pour du crossover, c'est-à-dire du triple BW. Normalement, c'est la norme.
On est monté jusqu'à 80 sur des papiers avec 200 millions d'euros d'émissions, je le précise bien, donc on ne parle pas non plus du liquide total. Mais on a vu effectivement une crispation, ça montre deux choses. Ça ne montre pas que le marché était vendeur, ça montre qu'on n'a simplement pas de liquidité.
Ça, c'est tout à fait différent, c'est-à-dire qu'on a vu un gel effectivement. Une liquidité qui s'assèche. Exactement.
Et à mesure que l'on descendait dans la notation de crédit, c'est particulièrement vrai sur le LLD américain, on avait des spreads de taux qui dépassaient les 100 points de base cette fois-ci. Et donc ça, pour le coup, ça montre effectivement que le marché commence à se regarder en chaîne de faïence. Les deux éléments, encore une fois, c'est l'opportunité d'achat ou surtout se considérer que les investisseurs qui ont le papier aujourd'hui ne veulent pas le lâcher.
Et c'est à mon avis la deuxième hypothèse qui tient. Ce qui fait qu'on ne panique pas.
[Grégoire Favet]
Et puis sur le primaire, effectivement, les deals ont pu revenir un petit peu, mais c'est vrai qu'on n'a pas eu encore de vrais gros deals qui permettent de refixer une référence, un benchmark pour des émetteurs à yield.
[Kevin Le Nouail]
Et le mur de refinancement alors.
[Grégoire Favet]
Oui, et généralement, les corporates aiment bien anticiper les murs de refinancement plutôt que de se retrouver au pied du mur, en l'occurrence. Il va falloir choisir le rang. Non, mais le thème, c'est rester défensif.
Voilà. C'est ce que j'ai compris dans un possible rebond de mer market au mois de mai. Comment ça peut se jouer sur le stock 600 en Europe ?
Vous avez une série de secteurs défensifs.
[Laurent Albie]
Oui, ce que je voulais montrer, c'est qu'en avril, sur le stock 600, c'est que les défensifs qui ont superformé. Mais ce qui est beaucoup plus intéressant, c'est quand on regarde les graphiques, on voit les ratios de force relative qui sont dans des mouvements haussiers très forts. Et il y a un rate of change du ratio de force relative qui montre la vitesse de superformance qui n'arrête pas d'accélérer.
Donc, on reste défensif sur mai.
[Grégoire Favet]
Et c'est quoi les secteurs que vous privilégiez ?
[Laurent Albie]
Alors l'assurance qui est toujours très très forte, les télécoms, les utilities, et puis les foncières qui sont en train peut-être de frémir. Et l'alimentation et boisson qui a été hyper boudée depuis deux ans et qui commence là aussi à se réveiller. Donc les jokers, c'est ça.
C'est les foncières et alimentation et boisson.
[Grégoire Favet]
Pour traverser le mois de mai de la manière la plus calme possible, espérons-le. Merci beaucoup, messieurs. Merci d'avoir été avec nous en ce dernier vendredi du mois.
Chaque dernier vendredi, c'est le grand tableau de bord des marchés. Laurent Albi est avec nous, responsable de Next Momentum, cofondateur de KALEIS 360, et Kevin Le Nouail, directeur associé chez Avant-Garde Family Office.
