Transcription de l'échange entre Kevin Le Nouail et Stéphane Romanyszyn
Stéphane Romanyszyn : Bonjour, bienvenue sur notre émission Bourse où les professionnels des marchés de la finance, de la gestion d'actifs viennent nous partager leurs convictions, leurs valeurs, leurs thématiques préférées. Aujourd'hui en visio, c'est Kevin Le Nouail, le Directeur des Investissements chez Avant-Garde Family Office. Kevin, bonjour.
Kevin Le Nouail : Bonjour Stéphane.
Stéphane Romanyszyn : Alors peut-être deux mots sur votre maison avant de parler des thématiques que vous avez choisies de nous faire découvrir aujourd'hui.
Kevin Le Nouail : Oui, avec plaisir. Alors nous, nous sommes un family office. On accompagne des entrepreneurs et des familles fortunées. On va le faire évidemment sous un prisme global puisqu’on déploie aujourd'hui notre savoir-faire, que ce soit sur la gestion des portefeuilles cotés, non cotés, sur lesquels on va revenir aujourd'hui, mais également sur une partie de gestion immobilière, d'ingénierie patrimoniale, d'optimisation fiscale par exemple. Et pour ce qui est de l'investissement coté, on va accompagner nos clients globalement dans la gestion, j'allais dire relativement complète de leur portefeuille. On va le faire avec différents prismes, que ce soit un prisme de gestion libre, sous mandat de gestion, sous conseil très classiquement, mais sur l'ensemble des classes d'actifs, que ce soit les actions dans le monde entier, les obligations également en titres, ce qui est ce qui est une spécificité assez importante en ETF, en produits dérivés, et on va faire cela également sur l'ensemble des devises G10. Donc, ça, c'est vraiment une expertise, j'allais dire relativement historique de notre maison, celle qui a d'ailleurs fait notre réputation.
Stéphane Romanyszyn : D'accord. Alors, la première thématique dont vous avez choisi de nous parler, donc, ce sont les obligations. Il y aura des obligations et il y aura des obligations en 2024 dans le portefeuille de vos clients. Pourquoi ?
Kevin Le Nouail : Absolument. Alors, c'est vrai que c’est une thématique assez large en réalité, de parler des obligations. C'est une classe d'actifs globalement, qui a fait un retour graduel au sein de nos portefeuilles depuis maintenant quasiment le T1 2023. Donc c'est assez ancien. Mais en réalité, en effet, depuis le début d'année, on a fortement accéléré ces prises de position, notamment des prises de position assez opportunistes finalement, que ce soit en euros ou en dollar, on va le faire en direct, comme vous l'avez dit sur les marchés pour nos clients, c’est-à-dire via des obligations en portefeuille. Et ça, on va le faire globalement aussi bien sur des obligations souveraines en devise G10 qu'en effet sur des obligations d'entreprises, j'allais dire type corporate très classique, Investment Grade.
Stéphane Romanyszyn : Vous privilégiez plutôt une maturité courte, plutôt longue ?
Kevin Le Nouail : Alors aujourd'hui, la maturité qu'on apprécie particulièrement, c'est une duration qui est comprise globalement entre trois et sept ans sur un segment corporate. On va aller un peu plus loin sur le segment souverain, où on apprécie le 7 à 10 ans. On a des exemples comme ça qui reviennent assez, assez classiquement sur le segment souverain, à 7 à 10 ans. On pense à des prises de position assez emblématiques comme le dix ans américain ou le sept ans américain. Ça, ce sont des positions qu'on apprécie beaucoup, mais il y a également des prises de position, je dirais, relativement plus opportunistes pour nos clients. On pense notamment aux événements tragiques au Proche-Orient qui nous ont conduits très récemment au sein de certains portefeuilles à intégrer, par exemple, de la dette israélienne. Là, on l'a fait sur des maturités spécifiques, puisqu'on est plutôt sur une maturité 2029 2030, et, là aussi avec une spécificité importante puisqu'on le fait en euros, donc directement en devises. Dur, donc de manière très importante.
Stéphane Romanyszyn : D'accord, ok. Sur les hobbies corporate, c'est plutôt de l'innovation ou des signatures de qualité ou du yield qui donne plus de rendement mais plus risqué.
Kevin Le Nouail : Alors absolument, aujourd'hui, on a plutôt une concentration sur le segment qu'on appelle « investment grade », donc plutôt le segment de qualité. Aujourd'hui, il nous semble que, notamment sur le segment high yield, on a, j'allais dire un prisme où un couple rendement risque est relativement déséquilibré, avec un risque globalement qui ne nous paye pas assez, on va le dire ainsi. Et donc aujourd'hui, en restant sur de la maturité comprise entre trois et sept ans, on le fait très majoritairement sur des investissements, sur des investissements, sur des émetteurs de qualités. De deux exemples comme ça qu'on retrouve assez régulièrement. Le premier qu'on aime beaucoup, c'est RCI Banque, qui est l'organe de financement de Renault qu'on connaît habituellement sous le nom de Mobilize et donc sur des maturités comme celle-ci entre 2027 et 2029, un émetteur comme celui-ci, globalement BBB en qualité d'investissement et bien va nous offrir plus de 4 % de rendement actuariel. Ce n'est pas évidemment une martingale, mais ça nous permet, au sein de nos portefeuilles et bien de cristalliser une partie de rendement intéressant. On a d'autres noms en tête comme cela, je pense notamment à BPCE. Donc évidemment, la Banque populaire Caisse d'épargne qui est là aussi sur des maturités comprises entre 2026 et 2028, va nous offrir des rendements qui sont de l'ordre de 4 à 4,5% sur les niveaux de point d'entrée. Aujourd'hui, sur les courbes actuelles, il nous semble que ce sont vraiment des bonnes prises de position à réaliser.
Stéphane Romanyszyn : D'accord, alors vous stabiliser avec l'obligation, mais vous vous musclez un peu le jeu, comme on dit, avec de l'action. Une première thématique au sein des actions, ce sont les utilities. Vous pouvez déjà nous redéfinir ce que c'est les utilities sur les marchés.
Kevin Le Nouail : Alors absolument. Alors, lorsqu'on parle des utilities, vous avez raison de me demander la précision. En fait, on évoque très souvent ce que l'on appelle des services aux collectivités. Alors le terme utilities, c'est comme cela. En réalité, il regroupe de très nombreuses sociétés qui vont être actives. Aussi dans différents secteurs. On peut par exemple entendre des producteurs de ressources, des produits, des fournisseurs de services, des fournisseurs d'énergie également. C'est relativement large si on doit évoquer des noms. Pour être d'autant plus précis, on va évoquer des noms comme NextEra Energy par exemple, qui est globalement notre position favorite aujourd'hui sur le secteur. Mais on peut également imaginer des noms comme RWE, comme Veolia, qui sont très connus évidemment du public français, du Xylem, du Duke Energy aux États-Unis. Donc ça, vraiment, ça rentre pour nous dans le giron des utilities, de toutes ces valeurs qu'on apprécie particulièrement aujourd'hui.
Stéphane Romanyszyn : D'accord. Deuxième thématique action, c'est les spiritueux européens, les marques de spiritueux, d'alcools, donc européens.
Kevin Le Nouail : Pourquoi alors les spiritueux européens ? Là aussi, on parle de toutes ces sociétés qui produisent globalement des nectars de l'ordre de 15 % de concentration d'alcool minimum. Ça nous intéresse évidemment beaucoup aujourd'hui parce que si on devait être très rapides finalement, dans la thématique, je dirais que c'est une thématique qui est boudée maintenant depuis six mois, qui subit et une actualité et un marché défavorables. Dans ce cadre-là, mais c'est le cas pour l'ensemble des thématiques qui nous intéressent, on va toujours se poser la même question, c'est « est-ce qu'à un certain moment on a finalement de l'irrationnel dans cette baisse ? » Et lorsqu'on regarde aujourd'hui justement les éléments qui plaident ou qui expliquent une partie de la baisse pour ces spiritueux, on va retrouver des éléments qui soit sont peut-être un peu exagérés de notre point de vue, soit qui sont censés justement s'arrêter assez rapidement. On peut penser par exemple très naturellement à l'inflation, à la production, qui est un point qui a beaucoup grevé les performances de ce type de secteur, notamment les prix du sucre et les prix du verre, sans compter évidemment les prix du fret. Ça a poussé évidemment les marges à la compression sur l'année 2023. Et ça, typiquement, il nous semble que, sans déjà parler de déflation de ce côté-là, on a, comme c'est le cas pour l'ensemble du marché, j'allais dire, une situation qui est une situation qui a minima se stabilise, voire s'améliorera dans les prochains mois. Donc évidemment très intéressant. Et puis on a également d'autres points de blocage qui se sont faits, qui se sont fait écho ces derniers mois. On pense évidemment à des marchés comme la Chine, qui sont des marchés évidemment en ralentissement, qui avaient un fort attrait pour ce quasi-luxe, qui étaient les spiritueux qui ont quelque peu ralenti. Là aussi, il nous semble que les choses pourraient relativement reprendre à l'horizon, notamment en 2025, avec un peu de décalage. Et puis également, c'est la même chose sur le marché américain, qui était un gros porteur, j'allais dire de croissance pour ce thème-là, certains producteurs se sont quelque peu endormis finalement sur leurs lauriers. Je pense notamment au cognac qui était très prisé il y a encore quelques années, qui est en train de se faire doubler maintenant par des segments comme la tequila. Et de ce point de vue là, et bien le moment, encore une fois d'investissement. Il est intéressant parce que si on juge que tout cela est irrationnel ou est en train d'être modifié à moyen terme, cela crée des opportunités d'achat qui sont très intéressantes. Le point que l'on donne assez régulièrement à nos clients, mais c'est le cas pour toutes les thématiques. C'est quelle valorisation aujourd'hui nous est donnée lorsque l'on regarde ces acteurs-là, je pense notamment à des acteurs comme Pernod Ricard par exemple. On se retrouve aujourd'hui sur des valorisations qui sont de l'ordre de celles que l'on a pu croiser aux alentours de 2010-2014. Donc on est globalement sur un retour en arrière, là où la qualité encore une fois de production de services et évidemment la qualité produit. Le portefeuille de marques dans Pernod Ricard n'a pas été modifié évidemment à la baisse, voire il s'est largement amélioré depuis lors.
Stéphane Romanyszyn : C'est bien. D'une manière plus globale et pour conclure, comment anticipez-vous 2024 sur les marchés ?
Kevin Le Nouail : Je dirais qu’aujourd’hui, sur les marchés financiers, on a, j'allais dire, un scénario qui est relativement consensuel. On ne s'en cache pas. Les choses aujourd'hui nous semblent relativement tracées, que ce soit en termes de baisse de taux ou en termes de croissance. Le point qui me semble essentiel aujourd'hui, c'est qu'on a tellement ce scénario, j'allais dire dans le marché, ces attentes qui sont relativement cristallisées, que l'on craint des poches de volatilité assez importantes. Donc de notre point de vue, on reste ancrés encore une fois sur deux grands éléments que sont la qualité au sein de nos portefeuilles et le rendement. Mais on se donne les moyens d'être très opportunistes. La poche des obligations qu'on évoquait ensemble, potentiellement, de notre point de vue, si elle se compresse en termes de taux et donc en termes de valorisation, augmente, ce sera une opportunité sûrement fabuleuse de réinvestir nos positions sur cette volatilité baissière en actions.
Stéphane Romanyszyn : Parfait ! Kevin, merci d'être venu nous partager vos convictions et votre expertise. Merci à tous de nous avoir suivis. Rendez-vous très vite sur investisseur TV avec de nouveaux gérants de nos experts.