Transcription de l'échange télévisée
Grégoire Favet : Quelques remarques à présent sur les enjeux en termes d'investissement et de marché avec Kevin Le Nouail, directeur des investissements chez Avant-Garde Family Office. Bonjour et bienvenue, Kevin. Bonjour ! Merci beaucoup d'être avec nous. Oh, pour des commentaires assez libres sur ce début d'année. Je l'ai décrit, je le décris depuis plusieurs jours maintenant. Je ne cache pas effectivement un certain enthousiasme de voir un rattrapage et une décompression de la prime de risque spectaculaire sur l'Europe.
Kevin Le Nouail : Commentaire assez libre ?
Grégoire Favet : Oui, très libre !
Kevin Le Nouail : Mais on ne va pas bouder ce début d'année et très clairement, je suis convaincu que nos clients sont toujours heureux de nous avoir au téléphone. Ils le sont en effet, d'autant plus avec des portefeuilles à ces niveaux-là. Donc on ne boude absolument pas ça. Le commentaire libre se noircit quelque peu, ou en tout cas se restreint quelque peu quand on quitte, en effet, ce Goldy Lock dont vous parlez parfaitement, il nous semble malgré tout que nous poursuivons plutôt une tendance de fin d'année plutôt que d'en créer une nouvelle. Et ça, ça m'interpelle dans le sens où aujourd'hui, si on considère que la tendance lourde et la reprise qu'on a sentie en fin d'année, qui a très bien été évoquée, si elle n'a pas été modifiée, on n'a pas, nous-mêmes, de volonté dans ce cas-là, de changer notre processus d'investissement. Vous parlez de procédure de rattrapage sur certains titres, c'est très heureux. Il n'empêche qu'on n'a pas modifié, nous, notre positionnement qui est un positionnement, de regarder l'effet macro, ça a été là aussi évoqué, qui ont été relativement peu modifiés eux-mêmes.
On parle d'inflation, évidemment, de recul, d'inflation. C'est un sujet qu'on a déjà évoqué ensemble et que de nombreux analystes avaient déjà abordé ensemble depuis la fin de l'année dernière. Donc la bascule 2022-2023 aujourd'hui apporte relativement peu de choses. C'est très heureux de voir cette inflation enfin refluer. On reste tout de même méfiant de certains niveaux, on parle de réouverture chinoise, etc. pour le S2 donc, on reste relativement méfiant de ce côté-là. La crise énergétique, de la même manière, avait été évoquée, à mon avis, avec une tendance à la baisse. Globalement, à partir du mois de septembre-octobre, on commençait à analyser les niveaux de stockage, etc. Il nous semblait que l'effet pénurie était quand même relativement peu probable et c'est heureux. Nous avons, en plus, de la chance avec le climat, même si on peut revenir sur les effets. Et puis enfin, on évoque évidemment le grand sujet du moment qui est la récession. La récession n'aura pas lieu en zone euro. J'en suis absolument ravi.
On continue malgré tout, nous, d'avoir un environnement qui est plutôt un environnement de soft landing. Je serais très heureux de voir que Goldman Sachs passe en indicateurs avancés. Il n'empêche que ce n'est pas le cas. Lorsqu'on regarde les indicateurs avancés, ils sont toujours en territoire récessif. On peut évoquer éventuellement un redémarrage, mais que ce soit les conditions de crédit, la construction, les nouvelles commandes, on reste aujourd'hui plutôt sur un atterrissage qu'un réel redémarrage. Donc beaucoup de prudence de ce côté-là et des portefeuilles teintés, non pas de prudence ou de conservatisme, mais on ne va pas surexposer en tout cas les valeurs actions.
Grégoire Favet : Sur ce rattrapage-là, j'entends. Oui, alors le marché va très vite, effectivement, dans l'anticipation, le phénomène de décompression, de prime, de risque, c'est assez spectaculaire. Vous dites qu'il y aura un moment une forme de reality check, de rappel à l'ordre. On ne va pas évidemment boucler une année 2023 au rythme auquel on a commencé, enfin en tout cas avec des performances telles qu'on peut les observer depuis dix jours de bourse à peine. Comment voyez-vous se mettre en place cette forme de rappel à l'ordre ? D'où pourrait venir ce rappel à l'ordre ?
Kevin Le Nouail : On a du mal à voir spécifiquement d'où il pourrait venir, mais peut-être que l'acteur prépondérant qu'on a tendance à oublier avec cette euphorie, peut-être de début d'année, c'était celui de 2022. Si on exclut la géopolitique, ça reste les banques centrales. Or, de ce point de vue-là, les banques centrales, aujourd'hui, je m'arrête encore sur le dernier élément de décembre, on reste sur des discours qui sont des discours malgré tout assez fermes. Et de ce point de vue-là, quand on regarde les anticipations, les probabilités implicites ou les décisions de la Fed, on se retrouve toujours avec des baisses de taux en 2023, ça, on n'y croit pas. Donc, on est assez curieux de voir éventuellement les prochaines déclarations et les prochaines conférences. Parce que de ce point de vue-là, pour moi, le rattrapage va venir. Donc, typiquement, aujourd'hui, quand on voit des rattrapages de valeur de croissance sans regarder encore une fois les effets macro, on regarde les effets de valorisation. Les valorisations pour certaines sont encore assez tendues, même si on a eu un retrait évidemment. Et donc, de ce point de vue là, ça ne nous incite pas, de notre côté, à y retourner.
Grégoire Favet : Là, on repart. On n'est pas loin de repartir dans une logique d'expansion de multiples pour certains secteurs de croissance, certaines grandes valeurs de croissance qui ont beaucoup souffert en 2022 et jusqu'à il y a encore quelques jours, le Nasdaq avait du mal à retrouver un peu de dynamique. On l'a vu là sur quelques séances. Effectivement, le Nasdaq retrouve un peu de leadership à la faveur d'une stabilisation des taux longs notamment. C'est un schéma dont vous vous méfiez à ce stade, vous méfiez-vous ?
Kevin Le Nouail : Oui, oui, très fortement. J'allais chercher un autre adjectif, mais je me méfie très fortement de cela. On n'est absolument pas de nouveau acheteur Nasdaq. On regarde éventuellement les quelques valeurs de croissance très lisibles que nous avons à l'intérieur. Mais vous connaissez le pan du Nasdaq que l'on n'aime pas et aujourd'hui, nous ne sommes absolument pas incités à y aller. L'effort de valorisation, encore une fois, elle reste présente. Nous avons des effets, nous avons des corrections évidemment de BPA qui sont très fortes, qui sont du niveau récessif en termes d'ampleur, mais en termes de niveaux absolus, nous ne sommes absolument pas sur des niveaux qui price une difficulté économique au S2, notamment aux États-Unis.
Grégoire Favet : Justement en matière de perspectives de bénéfices par action de résultats, la saison va s'ouvrir ce vendredi avec les publications des grandes banques américaines. Pour commencer, c'est un facteur clé évidemment pour l'investissement. Bien sûr, ça reste quand même la matière première essentielle pour investir sur les marchés actions notamment. Est-ce que, comme l'activité, vous attendez une forme de résilience des bénéfices par actions ? Je rappelle, enfin, récession, normalement c'est moins 30 % historiquement, sur les bénéfices par action, personne n'imagine que les bénéfices par actions vont baisser de 30 % cette année en zone euro.
Kevin Le Nouail : Absolument pas. On ne le souhaite pas, non, peut-être pas encore. Alors pas sur des niveaux de -30. Mais encore une fois, nous nous projetons plutôt sur un décalage au S2. Donc aujourd'hui, sur le T4, nous serons très attentifs. J'allais vous dire que ça va être une période très intéressante, mais comme toute saison des publications, elles vont être très intéressantes à regarder parce que nous aurons évidemment un bilan pour certaines valeurs, des dégâts de l'ensemble de 2022. Nous ne prendrons pas encore en compte la réouverture chinoise, ce qui a été, à mon avis, pas mal acheté d'une certaine valeur en fin d'année. Elle ne transparaîtra pas a priori sur les résultats de fin d'année. Donc oui, nous avons une attente qui est assez forte. Mon attente est plutôt dans les anticipations de 2023 parce qu'il faut se souvenir que la butée du marché que nous avons connue, si on exclut l'Ukraine, c'était notamment le T2 2022 qui avait été très dur, notamment dans les anticipations bénéficiaires et dans le rattrapage des discours des CFO. Et donc c'est ce que nous attendrons, notamment pour cette publication-là, c'est de voir si le pessimisme très ambiant que nous avions pu sentir en 2022 tourne casaque également, j'en suis peu convaincu, si ce n'est sur les bancaires. Le segment, la séance de vendredi sera passionnante. Elle sera notamment passionnante pour nous parce que nous affectionnons très particulièrement les financières américaines. Est-ce qu'elle donnera vraiment un signal sur le marché global ? Je n’en suis pas sûr, notamment sur la consommation.
Grégoire Favet : Au final, comment est-ce qu'on organise les mandats pour le compte des clients d'Avant-Garde Family Office, Kevin, sachant qu'évidemment il n'y a pas que les marchés actions, l'émission s'appelle Smart Bourse, mais on voit bien que beaucoup d'investisseurs retrouvent de l'intérêt sur des marchés plus traditionnels, un peu moins foufou le fixing, comme les marchés obligataires, et à commencer par les marchés monétaires également, quand on construit une allocation pour 2023. Oui, cette partie-là, fixed income monétaire, a une place importante aujourd'hui dans ces stratégies.
Kevin Le Nouail : Absolument. Alors on va enlever le terme "c'est pas foufou", on va se dire quand même que c'est sympathique. Mais non mais vous avez entièrement raison, le grand changement. Là, on parle action. Mais le grand changement en réalité dans nos portefeuilles, c'est qu'on s'était arrêtés ensemble fin 2022, où nous avions des positions actions sur des expositions qui nous convenaient. Nous avions une sensibilité qui nous convenait et à côté, nous avions des poches de cash, de liquidité qui étaient particulièrement importantes, du fait évidemment d'être en gestion privée. Précisons-le tout de suite. Le grand travail pour nous au T1, voire au S1, et c'est ça qui me semble très passionnant, c'est qu'on peut en effet travailler sur ces poches de liquidité. Ça fait des années que nous nous plaignons d'avoir des rendements qui sont des rendements pauvres pour ne pas dire autre chose. Aujourd'hui, nous avons enfin des rendements qui paraissent, et donc nous commençons en effet à travailler ces poches de liquidité. Le fixed income est passionnant. Il est à prendre avec des pincettes selon la devise dans laquelle on se situe.
Il est clair qu'un investisseur dollar aura sûrement moins de difficultés à trouver son bonheur. On peut regarder tous les pans de la courbe. Aujourd'hui, nous sommes particulièrement attentifs, notamment au deux ans en américain, qui me convient particulièrement. On peut aussi jouer des effets de quantification pour les investisseurs qui ne veulent pas directement avoir une sensibilité sur une duration précise. Mais le fait est que même pour un investisseur en euros, nous avons aujourd'hui cette duration quatre ou cinq ans, ce qui est plutôt notre duration cible à l'heure actuelle, des rendements qui sont supérieurs à 4 %. Nous avons encore vu. J'ai vu passer encore une bancaire zéro coupon, on est servi à 4,79 ce matin sur la 2026. Alors on est sur de la subordonnée, c'est évident. Mais globalement aujourd'hui, pour des niveaux de notation qui sont de l'ordre du triple B triple B+, nos clients aujourd'hui sont assez friands en effet de ce type de positionnement pour un.
Grégoire Favet : Risque modéré ou en tout cas un risque avec lequel on est confortable pour le compte de ses clients, on trouve une rémunération qui n'est pas loin de couvrir l'inflation. Peut-être pas l'inflation du moment, mais l'inflation des six, neuf, douze prochains mois sans doute.
Kevin Le Nouail : C'est ce que j'allais vous dire. Le monétaire, vous l'avez évoqué pour faire le parallèle, vous l'avez évoqué tout à l'heure, est un bon outil de court terme. Ce n'est pas notre outil favori puisque de fait, nous avons plutôt en effet une anticipation, j'allais dire non, pas de difficulté d'inflation cette année, mais nous considérons qu'elle n'est pas terminée. Par contre, quand nous allons justement sous Duration quatre ou cinq ans, une normalisation autour de 2 à 3 % d'inflation, plutôt sur un régime de trois. D'ailleurs, quand nous sommes servis à quatre et demi, cela nous convient parfaitement.
Grégoire Favet : En effet, et pour conclure sur l'exposition et la sensibilité action de ces mandats et de ces portefeuilles, Kevin, quelle est la place que vous réservez alors aux actions et peut-être aux actions européennes par rapport aux actions américaines ?
Kévin Le Nouail : Le biais que nous reprenons va être un biais américain. Globalement, sur la partie equity, ça a été évoqué. Évidemment, ce décalage de banque centrale aujourd'hui nous convient. Il nous semble que le plus dur est passé, mais j'ai l'impression que ça fait quelques mois que nous en parlons. Donc, nous tenons ce billet américain, nous le renforçons quelque peu, notamment sur des positionnements value. Au contraire de ce que l'on peut penser potentiellement, nous reviendrons sur la croissance à partir du moment où nous aurons une Fed qui se détendra, au moins dans le discours. Nous ne parlons pas encore des taux, donc potentiellement pas avant le T2 de 2023. En l'occurrence, après, en termes de pondération, nous sommes plutôt sur un 60-40. Si on doit représenter les choses très crûment. À mon avis, elle ne le représente pas, vous le savez, puisque nous avons uniquement des portefeuilles non profilés. Mais j'allais dire qu'en moyenne, sur un investisseur équilibré puisque c'est le grand terme, un 60-40, à mon avis, peut retrouver sa place. La difficulté étant la devise.
Grégoire Favet : Oui, avec un dollar qui commence à donner des signes de détente, de plus en plus.
Kevin Le Nouail : Ce qui concourt, on n'a pas le temps d'en parler, mais ce qui concourt à racheter aujourd'hui potentiellement le S&P équi-pondéré d'ici le T2, évidemment.
Grégoire Favet : Merci beaucoup Kevin. On se retrouve régulièrement pour évoquer ces sujets d'investissement avec vous. Kevin Le Nouail, qui était notre invité également en plateau aujourd'hui dans cette édition de Smart Bourse de la mi-journée, directeur des investissements chez Avant-Garde Family Office, on se retrouve à 17h00 en direct sur Be Smart.